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L'AGRICULTURE A TRAVERS LES AGES
APPORT DE LA METALLURGIE


L. ARIES


           Les matériaux utilisés puis fabriqués par l'homme ont joué un rôle si important que les historiens, pour désigner dans l'échelle du temps les progrès de l'humanité, ont utilisé les matériaux : après l'âge de la pierre vint l'âge des métaux, avec le cuivre, le bronze et le fer.

           A l'échelle de l'humanité qui aurait 3 millions d'années, le temps n'est pas si loin où l'homme ne disposait comme seuls outils que de ses mains et de galets ou de pierres plus ou moins bien taillés ; 12.000 avant notre ère c'est encore l'âge de la pierre taillée ! C'est vers cette époque que le réchauffement de la planète fit fondre une partie des calottes glaciaires et que le niveau de la mer est monté de plusieurs mètres. Apparut alors une nouvelle forme de végétation plus propice à la chasse et l'homme pour s'adapter dût inventer et innover.

           Avec la pierre polie, véritable révolution pour l'époque, la fabrication d'outils réaffutables est devenue possible, des haches, des herminettes. L'homme possède aussi des faucilles pour récolter les céréales sauvages ; il s'agissait d'une sorte de couteau à moissonner constitué d'une lame de pierre taillée ; la faucille permettait de récolter en quelques heures assez de grains sauvages pour nourrir tout une famille.

           C'est vers cette époque que l'homme devient cultivateur et qu'il sème ses premières graines. Il sème ses premières céréales et notamment du blé à partir de céréales sauvages qu'il sélectionne pour la qualité de leurs grains ou leur facilité d'exploitation, petit à petit apparaissent des espèces domestiquées. 9000 avant notre ère l'homme cultive orge, blé, amidonnier, pois, lentilles, vesces, et élève chèvres, porcs, moutons, bovins et ânes ; le chien est déjà son complice depuis de nombreuses années (- 16.000 ans). Pour la récolte, il fabrique la faucille à dentures, constituée de petites pierres tranchantes insérées sur un support en bois arqué. Pour préparer la terre, il dispose d'outils manuels : la bêche et la houe.

           Pour enterrer les graines jetées à la volée l'homme fabrique des araires

           Les premiers témoignages datent du IVe millénaire avant notre ère à Sumer en Basse Mésopotamie et en Egypte. Pendant longtemps, l'araire n'a été qu'un simple outil très modeste, en bois d'une seule pièce, tiré à la main. Par la suite elle a été attelée à des animaux de trait ( bœufs, vaches et ânes). Elle était constituée d'une grande fourche de bois, dont l'une des branches sert à la traction (plus tard perche d'attelage), l'autre coupée court et durcie au feu sert à scarifier le sol tandis que la hampe sert de mancheron pour le conducteur. La pièce de bois qui travaille le sol pouvait être renforcée par un silex.

           Avec l'arrivée des métaux cette pièce de bois sera renforcée par un petit soc.

           L'homme s'est intéressé très tôt aux métaux car ils sont très résistants mécaniquement et parce qu'ils sont malléables, c'est à dire qu'il est possible par martelage de leur donner une forme pour en faire un objet. Les premiers métaux utilisés par l'homme furent ceux que l'on trouve à l'état naturel, c'est à dire l'or, les métaux précieux et le cuivre. Ces métaux sont très malléables mais pas assez résistants pour en faire des outils agraires. Avec le bronze, anciennement appelé airain, l'homme découvre la métallurgie des alliages de cuivre, d'étain et de zinc, beaucoup plus résistants que les métaux purs.

           Pour avoir un métal réellement très résistant pour la fabrication d'armes et d'outils bien adapté aux lourds travaux agraires, l'homme dût attendre le fer et l'acier.

           D'après le géographe grec Strabon (-58 +25 ) qui vivait au tout début de notre ère, la sidérurgie aurait débuté sur les côtes orientales de la mer noire 1900 ans avant notre ère.

           La région du Caucase en particulier aurait été très en avance dans la fabrication du fer. Néanmoins, les travaux récents1 montrent que l'Afrique subsaharienne ne peut plus être considérée comme un simple récipiendaire de la technique de fabrication du fer qui se serait diffusée depuis le proche orient par l'Afrique du Nord et la vallée du Nil. L'Afrique subsaharienne aurait inventé et développé sa propre métallurgie du fer, et ce, dès le IIIe millénaire avant J.-C.

           A partir de ces régions pionnières et plus particulièrement du Proche Orient, la métallurgie du fer s'est étendue au gré des conquêtes et par migration des forgerons vers les sites assurant l'approvisionnement en minerai et bois (charbon de bois). Le fer connaît un réel succès 1200 ans avant notre ère et vers -900 il devient réellement abondant (pour Israël c'est l'époque de David et de Salomon). Vers -1900 le fer valait 40 fois plus que l'argent, 12 siècles plus tard, quand la monnaie d'argent s'impose en Grèce, on obtient 12 kg de fer pour une pièce d'argent de 6 grammes : le fer vaut alors 2000 fois moins que l'argent.

           Dans le Midi de la France, la diffusion du fer doit beaucoup à la colonisation grecque et phénicienne, 5 ou 6 siècles avant notre ère.

           Dans le sud du Massif Central et notamment dans la Montagne Noire, une vingtaine de sites métallurgiques de l'époque gallo-romaine ont été recensés.

           Le site des Martys est exceptionnel par la dimension de ses ferriers (résidus de fabrication du fer), qui sont la preuve de l'importance des installations sidérurgiques. Le fer y était fabriqué selon la technique antique dite de réduction directe dans des bas-fourneaux qui auraient fonctionné du 1er siècle avant notre ère jusqu'au IIe ou IIIe siècle. Les forgerons des agglomérations gallo-romaines de la voie d'Aquitaine et notamment d'Eburomgus (Bram) et de Sostomagus (Castelnaudary) étaient très actifs comme le montrent les recherches archéologiques récentes menées par le Laboratoire d'Archéologie du Lauragais.2

           La sidérurgie s'implante aussi dans les Pyrénées ariégeoises, audoises et catalanes grâce à la présence d'un minerai de qualité et abondant.

           Dans les fours antiques appelés bas fourneaux, ont procédait à la réduction directe du minerai par le charbon de bois. Dans ce milieu très réducteur, on obtenait un fer pur (peu carburé) donc très doux et très malléable. La température ne dépassant guère 1200 degrés le fer était obtenu à l'état solide sous la forme d'une éponge, une loupe de quelques kilogrammes.

           Au début, le fer n'est pas de très bonne qualité et l'historien grec Polybe 200 ans avant notre ère ironise en disant que les Gaulois doivent redresser leurs armes après chaque coup. Pourtant la trempe des aciers est connue selon Homère depuis le 7ème ou le 8ème siècle avant notre ère. Mais très vite les épées gauloises eurent une qualité proche des épées meurtrières du Moyen Age. Dans les opidums gaulois comme Alésia on trouve un grand nombre d'objets en fer : chaînes, chaudron chenets charnières, ciseaux à bois, tranchets pour le cuir, enclumes clous pour fabriquer les remparts, mais aussi des faucilles forgées pour moissonner et de petits socs pour renforcer la barre de l'araire.

           Au dernier siècle avant notre ère apparaît aussi la faux, manipulée à deux mains, avec sa grande lame son rendement est bien plus élevé que celui de la faucille. Mais sa fabrication exigeant une bonne maîtrise du travail du fer, la faux restera chère et peu répandue jusque vers l'an mil.

           L'araire sera perfectionnée et comprendra plusieurs pièces ; ainsi l'araire manche-sep comprend 2 pièces, la perche d'attelage étant séparée du reste de l'outil. L'araire chambige comprend 3 pièces et l'araire "dentale " en possède 4 ou5.

           A l'époque romaine, les trois styles étaient déjà connus. Ils se sont maintenus en l'état jusqu'au 19ème. Ce n'est qu'au début de notre ère que le timon de l'araire a pris appui sur un avant train. L'araire Manche-sep a été introduite en Amérique du sud par les conquérants ; elle est encore utilisée dans certains pays pour certains travaux spécialisés comme le buttage des pommes de terre, elle serait encore utilisée au sud de la Loire.

           Les agriculteurs fabriquaient souvent eux-mêmes leurs araires, les trouvant ainsi beaucoup plus à leur main, ce qui leur prenait tout au plus 4 à 5 heures de travail... Le forgeron du village confectionnait les lames de fer à la demande.

           L'épanouissement de l'industrie du fer permit aussi la fabrication de charrues.

           C'est vrai que l'araire, utilisée depuis l'antiquité pour ameublir le sol et recouvrir les semences effectue un travail peu profond et rejette sur les deux côtés de la raie le terre déplacée et émiettée par le soc. Avec l'araire, on obtient un labour à plat.

           La charrue apparaît au début de notre ère. Contrairement à l'antique araire, elle permet d'effectuer un véritable labour beaucoup plus rapidement qu'avec les bras à la bêche et la houe. La charrue, plus puissante avec son avant-train à une ou deux roues et ses deux mancherons, permet un labour plus en profondeur, mais exige aussi des animaux plus vigoureux pour la tracter. Le modèle le plus répandu et le plus apprécié était la charrue Brabant, stable robuste facile à diriger et procurant un travail régulier. Des Brabants de tous les modèles ont été employés dans toute la France, depuis les plus légers à un cheval, deux vaches ou deux bœufs, jusqu'au plus puissants à quatre ou cinq chevaux ou six à huit bœufs.

           La charrue laisse le sol embarrassé de grosses mottes ; au IXe siècle grâce au fer qui devient abondant on fabrique des herses dont l'usage se répand rapidement avec celui de la charrue.

           Pour l'agriculture, commence alors une autre époque : celle de la culture attelée lourde. Le développement de ce type de culture attelée est à la base de la révolution agricole du Moyen âge du XI e au XIII e siècle qui a porté l'économie rurale de l'occident au seuil des temps modernes.

           L'industrie du fer et de l'acier avait alors fourni à l'homme les outils nécessaires et la grande révolution agricole de Moyen Age pouvait commencer.

           Cette révolution s'est traduite par le doublement des rendements céréaliers, les rendements sont passés de 3 à 6 quintaux de céréales à l'hectare (plus de 50 quintaux à l'heure actuelle). Comme 10 quintaux sont nécessaires pour nourrir une famille de 5 personnes, 2 à 3 hectares sont suffisants, la famille pouvant travailler 6 hectares, des surplus et des bénéfices apparaissent. Ces bénéfices vont conditionner et permettre le développement de l'artisanat, de l'industrie, du commerce mais aussi des activités intellectuelles et artistiques.

           La révolution agricole du XI e siècle au XIII e siècle et la révolution artisanale et industrielle sont étroitement liées. Dans chaque village, il fallait désormais un charron pour façonner et pour entretenir les charrettes, chariots, charrues herses et jougs, il fallait aussi un forgeron pour fabriquer socs coutres et autres outils en fer et pour ferrer les animaux de trait ; sans compter les bourreliers fabricants de colliers et de harnais, les maçons et les charpentiers bâtisseurs de granges et de greniers.

           Il faut dire aussi qu'à partir du XI e siècle l'agriculture profite un peu partout en occident de l'effort de guerre, avec la forte demande en fer de la classe militaire. On sait par exemple que la production métallurgique anglaise triple en 20 ans, entre 1066 et 1086, avec l'arrivée des chevaliers normands. Par la suite la consommation de fer des laboureurs et des artisans sera supérieure à celle d'un chevalier, car l'usure de l'attirail agricole est supérieure à celle d'un équipement guerrier.

           En Lauragais, comme partout ailleurs, la révolution agricole du Moyen Age s'est accompagnée d'un forte demande en fer. Quelles étaient à cette époque ses sources d'approvisionnement en fer et en acier?

            Aux portes du Lauragais l'industrie métallurgique est des plus florissante notamment au cours de la croisade, à cause de l'effort de guerre des seigneurs occitans. Depuis un millénaire, on produit du fer et de l'acier dans la Montagne Noire, dans les Pyrénées ariégeoises et même dans les Corbières, grâce à un minerai de fer d'excellente qualité, très riche en fer, la quantité de gangue est très faible. Le minerai des Pyrénées ariégeoises et du Canigou est des plus riches, il contient jusqu'à 85% de fer contre moins de 50 % pour le minerai lorrain par exemple. Dans ces régions, pour répondre à la forte demande en fer, l'industrie métallurgique va se moderniser et devenir une industrie de pointe.

           Il faut dire que jusqu'au XII e siècle, la technique de production du fer avait peu évoluée. Elle était fondée sur l'utilisation des bas fourneaux antiques. La technique de l'époque était fondamentalement différente de celle des hauts fourneaux utilisés de jours, qui conduit à de la fonte à l'état liquide que l'on peut mouler3.

           Dans les bas fourneaux de l'époque, le fer était obtenu par la technique dite de "réduction directe du minerai ". Le fourneau était rempli de couches successives de charbon de bois et de minerai de fer essentiellement de l'oxyde de fer. Le charbon de bois servait à la fois d'agent calorifique et d'agent réducteur. Au début, le fourneau devait être probablement rempli de charbon de fois pour le chauffer puis alimenté pendant plusieurs heures par un mélange de charbon de bois et de minerai. L'agent réducteur est en fait l'oxyde de carbone, CO, produit par la combustion du charbon de bois.

           Dans les bas fourneaux utilisés depuis l'antiquité, la température ne dépassait guère les 1100 à 1200°C. Pour élever la température on utilisait des tuyères pour injecter de l'air pulsé par des soufflets actionnés à la force des bras. Le fer fondant à plus de 1500°C (1536°C pour le fer pur), n'a jamais pu être obtenu à l'état liquide.

           Par ce procédé on obtenait deux produits : le fer métal (masse spongieuse très dense mêlée de scorie ou loupe compacte) qui s'accumulait vers le bas du bas fourneaux et de la scorie (déchets divers provenant de la gangue et accompagnant le minerai de fer). Cette scorie, plus ou moins liquide (laitier), s'écoulait à l'extérieur par un orifice pratiqué à la base du fourneau, au-dessus de la zone d'accumulation du fer solide.

           Commençait l'opération de cinglage, opération très longue de purification de l'éponge de fer pour la débarrasser de ses impuretés (scories). L'éponge était martelée très vivement à chaud, pour en extraire les particules métalliques de fer qui s'auto-soudaient et constituaient le lingot. Cette opération comportait une série de martelages et de réchauffements successifs.

           Le fer obtenu était doux, peu carburé et donc très malléable et facile à mettre en forme. Ce fer pouvait être enrichi en carbone (acier) par chauffage en le plaçant dans un tas incandescent de charbon de bois et de sel, vers 900°C. L'opération dure quelques heures suivant le taux de carbone recherché ou l'épaisseur de métal enrichi en carbone. Après ce chauffage, la pièce est refroidie rapidement par trempage dans de l'eau pour obtenir une grande dureté.

           La technique que nous venons de décrire était employée encore au 12ème siècle dans le Midi de la France et en particulier c'était la force physique de l'homme qui était utilisée pour actionner les marteaux des forgerons et les soufflets. Cette technique de réduction directe dans des bas fourneaux s'est maintenue dans les Pyrénées jusqu'au 20ème siècle, après diverses améliorations que nous allons indiquer. On peut encore voir des bas fourneaux en état de marche dans la région dite de la boucle du Niger, Mali et le Burkina Faso et notamment dans le Yatenga.

            Avec l'essor économique du Moyen Age, la révolution agraire et l'effort de guerre la demande de fer dans le Midi de fa France devint considérable. Les gisements de minerai de fer de la région étant de faibles dimensions, s'épuisaient rapidement ; il fallait alors se déplacer pour exploiter un autre site. Ainsi, par commodité et rentabilité, les forgerons étaient amenés à se déplacer d'un site à un autre quand le site était épuisé (épuisement du minerai ou de la forêt). Ce déplacement était relativement facile puisqu'il s'agissait d'installations assez rudimentaires. Ce caractère itinérant des forges à bras leur a valu le nom de forges volantes. Les ateliers s'installaient là où les ressources en bois étaient suffisantes pour assurer la fabrication du charbon de bois. L'activité métallurgique a d'ailleurs fortement modifié le paysage des régions concernées et notamment des Pyrénées.

           Au 12ème siècle, pour répondre à la forte demande en fer, une invention capitale va bouleverser l'industrie métallurgique locale ; il s'agit de l'invention du martinet. On fit appel à la force de l'eau, à l'énergie hydraulique, pour actionner le marteau de forgeage et cingler l'éponge de fer pour la purifier. Avec l'arrivée des martinets, les forgerons s'affranchissent d'une besogne harassante et augmentent leur capacité de production ! Les machines à fer se multiplient au bord des rivières et des torrents. L'invention du martinet obligea les forges à devenir fixes, mais elle apporta la richesse et la prospérité.

           Le Comté de Foix avec les Pyrénées ariégeoise devint rapidement l'un des pôles majeurs de production du fer et de l'acier, tout comme le Roussillon avec les Pyrénées catalanes.

           Les forges prirent alors une importance considérable, certains voient dans cette expansion des moulines à fer un effort de guerre dans le contexte de la croisade menée par le roi de France et la papauté contre le catharisme. Ainsi, pour ce qui est des forges ariégeoises du Comté de Foix, Robert Bernard III, accorde une charte à la vallée du Vicdessos en 1293, en raison des services inestimables qu'elle lui aurait rendus. Le texte précise que cette charte ne fait que renforcer celle accordée par le comte Roger Bernard en 1272, laquelle ne faisait que renforcer des droits oraux, bien antérieurs. Ces chartes inaliénables visent à donner une sorte d'indépendance économique à ces vallées, mais toujours assujettie au pouvoir du tout puissant comte de Foix. Il faut rappeler qu'en 1272, le château de Roger-Bernard qui avait bravé l'autorité du roi de France, Philippe le Hardi, est pris. Le comte fut emprisonné pendant 1 an et ne reprit possession de son comté qu'en 1275. La charte de 1272 est bien un effet de guerre. Il est aussi fait mention de droits oraux antérieurs, c'est à dire datant de la croisade. Ces chartes visent à accélérer le processus d'industrialisation de ces vallées et notamment à favoriser la production de fer, dont le comte à besoin pour faire la guerre ; il s'agit pour lui d'équiper son armée et de nourrir ses gens. Le résultat est probant, en 1293 apparaissent les premières forges de Vicdessos ! Vers le 14 ou 15ème siècles, le Comté de Foix a près d'une vingtaine de moulines, sur l'Ariège, l'Arget, le Saurat, le Vicdessos et le Siguer.

           Dans les Pyrénées audoises en 1254, il est fait mention du moulin à clous d'Escouloubre. Au 14ème siècle, plusieurs forges sont connues sur l'Aiguette à Sainte Colombe et à Counozouls, sur le Rebenty à Gébets, sur la Boulzane à Gincla.

           Au fil des siècles, ces forges hydrauliques se sont perfectionnées, au XIVe siècle, la force hydraulique est utilisée pour actionner les soufflets. La pression d'air plus importante entraîna l'élévation de la température des bas fourneaux ; cette invention permit d'augmenter la taille des bas fourneaux et donc leur productivité. Le rôle des religieux, fortement impliqués dans l'organisation du patrimoine métallurgique, n'est peut être pas négligeable dans la diffusion de ce principe. En particulier les moines Cisterciens ont été parmi les premiers à saisir les opportunités nouvelles; ils ont fortement marqué l'histoire de la sidérurgie.

           Grâce aux performances des martinets, la possibilité de fournir des pièces de plus grande dimension et de façonner des tôles en grande quantité augmenta considérablement. L'agriculture profita de cette avancée technologique : faux, charrues, herses et autres instruments agraires se répandirent alors rapidement.

           Au 17ème siècle, une autre invention révolutionnera la sidérurgie du bas fourneau : c'est l'apparition de la trompe à eau dite trompe des Pyrénées ou des Alpes selon le lieu. Il s'agit d'une trompe hydroéolique qui permet d'insuffler l'air dans le cœur du bas fourneau. Le dispositif utilise l'effet de souffle d'une chute d'eau dans un caisson étanche muni d'une tuyère débouchant dans le foyer du fourneau. Cette technique mise au point peut-être en Italie du Nord en Ligurie, fut importée d'Espagne vers 1660. Il semble que ce type de forge ait alors pris le nom de forge catalane ou "à la Catalane", bien qu'elle se soit répandue fortement en Ariège.

           Jusqu'au milieu du 19e siècle les forges à la Catalane connaîtront un réel succès avec d'excellents rendements : 1 tonne de charge constituée de 487 kg de minerai donnait 150 kg de fer.

           Il faut noter aussi que dès le XVe siècle, l'augmentation de la taille des fourneaux grâce à l'introduction de puissants moyens pour insuffler l'air, permis de mettre à jour un phénomène nouveau à la base de la sidérurgie moderne. La taille des appareils munis d'une puissante soufflerie pour pulser l'air, permit d'atteindre dans la partie basse des températures supérieures à 1200°C. Par ailleurs le fer produit dans les strates intermédiaires par réduction du minerai, s'enrichit en carbone au cours de sa descente dans le fourneau. L'alliage fer - carbone formé, fondant à une température beaucoup plus bas que le fer pur (1146°C pour l'alliage à 2% de carbone), on obtient un alliage à l'état liquide: la fonte.

           Ainsi au milieu du XVIe siècle, la fonte coule dans des hauts fourneaux qui travaillent en continu. La production s'accroît de manière considérable et les coûts de production diminuent. Au lieu de loupe de fer et d'acier on obtenait de la fonte liquide que l'on pouvait couler pour fabriquer des pièces moulées. La fonte trop cassante pouvait être affinée pour obtenir du fer ou de l'acier en faisant fondre les gueuses de fonte dans des fourneaux en présence d'un violant courant d'air pour brûler le carbone et décarburer la fonte. Cette nouvelle technique de production d'acier dite méthode indirecte, exigeant moins de main-d'oeuvre et étant plus productive, permit de mettre sur le marché de plus grande quantité de métal et ainsi des produits moins coûteux.

           La fonte fut par la suite affinée par puddlage "brassage en présence d'air" dans des fours à réverbère qui évite tout contact entre le métal et le charbon. Jusqu'au milieu du 19e siècle le puddlage fut le seul procédé utilisé pour produire du fer malléable et de bonne qualité.

           Puis arriva la métallurgie moderne. La houille remplaça le charbon de bois qui faisait défaut suite à la déforestation par surconsommation de bois et la fonte fut affinée dans des fours Bessemer(1856) puis Siemens-Martin (1865) et Thomas (1877); la production d'acier d'excellente qualité à des prix de revient toujours plus bas subit une embellie sans précédent.

           C'était le commencement d'une nouvelle ère industrielle qui vit se développer rapidement l'emploi de machines agricoles plus perfectionnées pour préparer le sol, semer et récolter. Ces nouveaux moyens de production sont pour beaucoup dans la formidable augmentation des rendements céréaliers, rendements qui ont été multipliés par un facteur supérieur à 5 durant le dernier siècle.

Notes :
1 - Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique- Hamady Bocoum, Editions, UNESCO (2002).
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2 -Les activités artisanales dans des agglomérations gallo-romains de la voie d'Aquitaine - Michel Passelac Laboratoire d'Archéologie du Lauragais (2002). Retour
3 -De la route de l'étain aux forges médiévales - Lucien Arès Actes du colloque des Médiévales p4 - 11 (2000) Retour

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