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LES AUTANS DU LAURAGAIS

 

René VIALA

 

 

L’autan  et le vocable occitan auta  dérivent du latin altanus : qui vient de la haute mer. Auta est donc d’abord la direction de la mer : le mot figure avec ce sens dans les anciens compoix ; il est repris pour les vents de Sud-Est  qui soufflent dans la partie orientale du Bassin aquitain. A Castelnaudary ces vents sous l’appellation de marin (synonyme d’autan) ont la même direction et la même violence.

 

Les situations météorologiques qui génèrent les vents d’autan

 

Pendant longtemps en utilisant la sagesse populaire des dictons nombreux sur le vent d’autan, on a divisé les vents d’autans en autan blancs qui sont émis par des anticyclones et autans noirs qui sont appelés par des dépressions.

 

Les premiers sont issus de zones de hautes pressions particulièrement stables qui installent le beau temps pour une longue période. Ils sont associés à la fin du printemps et en été à l’anticyclone de l’Atlantique tropical et sont souvent à l’origine de fortes températures sur l’Est du bassin aquitain. En hiver, au contraire, ils peuvent être liés à l’anticyclone continental et apportent alors un froid sec et intense.

 

Les autans noirs sont appelés par des dépressions attachées aux perturbations qui circulent d’ouest en est dans les zones tempérées.

 A l’automne ces perturbations sont souvent rejetées au sud et se déplacent de l’Espagne au golfe de Gênes. Leur passage provoque de fortes pluies sur le littoral et sur le versant sud de la Montagne Noire mais épargnent souvent les Lauragais toulousain et audois.

 En hiver et au printemps elles balaient l’Europe septentrionale. Ce sont les situations de vent d’autan les plus fréquentes. Dans leur déplacement il est quelque fois difficile de distinguer les catégories d’autan blanc et noir, le flux, d’abord anticyclonique, devenant cyclonique.

 

De manière plus récente les géographes (J.P. Vigneau)  ont introduit une nouvelle distinction entre autans synoptiques où la direction du vent est la même en altitude et au sol et autans géographiques où le vent souffle en altitude du sud-ouest alors qu’il conserve au sol la direction du sud-est. Les deux composantes du flux sont perpendiculaires.

 

C’est dans ces situations que sont constatés les vents d’autans les plus violents. Cette violence est caractérisée par une grande turbulence au sol. A Castelnaudary les mesures faites avec un anémomètre à faible inertie rendaient compte de rafales de durée inférieures à la seconde où la vitesse du vent était plus que doublée. Il est probable que ces rafales engendrent des variations de pression de basse fréquence assimilables à des infrasons (fréquence inférieure à 20 Hz) qui sont particulièrement difficiles à supporter.

 

 

Les effets dus au franchissement des Pyrénees, leurs conséquences par vent d’autan géographique.

 

Les effets de fœhn

 

Lorsque l’air monte le long du versant d’une montagne la pression atmosphérique qui s’exerce sur lui diminue. Il se refroidit par détente. A l’inverse lorsqu’il descend il se comprime et se réchauffe adiabatiquement (c’est à dire sans apport de chaleur extérieure). Dans l’air humide la condensation de la vapeur d’eau qui forme les nuages, absorbe de la chaleur et à l’inverse l’évaporation des gouttelettes d’eau qui accompagne la dissipation des nuages restitue de la chaleur. Si les conditions d’humidité sont identiques sur les deux versants, les températures sont voisines. L’effet de fœhn s’exerce pleinement lorsque l’air perd son humidité par des précipitations sur le versant au vent. Dès lors l’air est plus chaud et plus sec avec une accélération importante sur le versant sous le vent. L’horizon des Pyrénées observé depuis Castelnaudary permet d’apercevoir le chapeau de cumulus qui couronne la chaîne et, lui succédant, une zone de ciel clair (le trou de fœhn) puis un couvercle de stratus relativement bas.

 


 


Cet effet de fœhn s’exerce à des degrés différents suivant les masses d’air que l’étude de A. Mandement (Contribution à la connaissance du vent d’autan : Centre départemental de la météorologie du Tarn, février 1993) a particulièrement mis en valeur. Il existe à tous les niveaux dans le bassin aquitain par autans synoptiques et géographiques, mais se fait sentir sur le Lauragais audois seulement pour les autans géographiques. Il explique l’absence de précipitations sur ces régions quand souffle l’autan géographique.

 
Les effets d’onde

 

Le franchissement de la chaîne des Pyrénées entraîne la formation d’un train d’ondes que connaissent bien les vélivoles. Si on croit H. Aupetit «Les Pyrénées provoquent des phénomènes de fœhn à grande échelle par vent de nord sur les versants espagnols, par vent de sud sur les versants français, qui se font bien souvent sentir jusqu’à la Loire. »

 Il semble que ces ondes soient renforcées par résonance sur les relief des Prépyrénées et de la Piège. Nous avons observé des rotors à l’aplomb de l’escarpement qui limite la Piège au nord et des nuages lenticulaires au-dessus des collines par vent d’autan ; ces nuages se développent dans la partie haute des ondes et traduisent donc leur existence.


 

 


Ces ondes sont responsables de la turbulence du vent à Castelnaudary et au seuil de Naurouze  et de manière plus complexe à l’ouest de la Montagne Noire, comme l’envisage A. Mandemant : «il est très probable que dans certaines circonstances, en flux de sud ou de sud-ouest, les deux phénomènes ondulatoires créés en dessus de 1500 m par les Pyrénées et en dessous de 1500 m par la Montagne Noire entrent en phase sur le Tarn, cela expliquerait mieux ces déchaînements soudains des rafales de l'autan... »

 

Les effets de tuyère

 

Par autan géographique le flux d’altitude de sud-ouest écrase la veine de vent proche du sol qui lui est perpendiculaire, il y a donc un effet de venturi dans l’épaisseur des couches mais aussi une canalisation de l’air par les vallées qui entaillent la Montagne Noire. A leur endroit et à leur débouché la vitesse du vent atteint un maximum notamment à Castres, à Dourgne et à Revel.

 

La dépression sur le Bassin aquitain

 

L’un des problèmes à résoudre est de savoir pourquoi, il existe  cette double circulation de l’air dans l’épaisseur des couches par autan géographique.

On constate à ce moment-là sur les cartes synoptiques, au sol, un infléchissement des isobares sur le Bassin aquitain que J.P. Vigneau qualifie de genou et dont A. Mandement nous offre une carte pour le 4 février 1993. Il se forme alors une dépression de gradient peu important (moins de 3 hPa).

On peut penser que la chaîne des Pyrénées présente une barrière telle que, seulement une partie de l’air qui l’aborde, passe au-dessus. Une autre partie la déborde essentiellement par l’ouest. Dans son ouvrage sur la climatologie P. Pagney citant Paul Queney affirme que lorsque une chaîne présente une forte épaisseur, elle « ...se présente comme un mur infranchissable pour toutes les couches basses de l’atmosphère ; les flux contournent l'obstacle en le laissant à droite (hémisphère Nord)... ».

 Ce flux, dévié normalement vers la droite par la force de Coriolis, est alors à l’origine de la dépression dynamique qui se forme sur le Bassin aquitain. Ce type de champ de pressions est construit par le vent (le vent n’étant pas la conséquence des pressions mais sa cause) On peut penser aussi que la configuration du relief joue un certain rôle C’est cette dépression qui appelle l’air méditerranéen des basses couches.

 

 

Les domaines de l’autan

 

Les autans occupent l’Est du Bassin aquitain et débordent au delà du seuil de Naurouze sur la région de Castelnaudary et sur la partie occidentale des Monts de Lacaune.

 

 


Les domaines de l’autan : pointillé, domaine de l’autan fort, tiret épais domaine de l’autan très fort.

 


Souvent par vent marin sur la Bas-Languedoc l’expérience nous a indiqué que les nuages méditerranéens cessent autour de Bram, le ciel s’éclaircit  alors que le vent fraîchit. Celui-ci, alors, est fort et turbulent entre Castelnaudary et Villefranche de Lauragais et s’atténue légèrement au-delà

Il nous est apparu que le vent fort à Montredon-Labessonnié (tarn) ne correspondait pas à son homologue dans le Sud de son domaine. Bien des problèmes restent à résoudre, notamment sur l’ampleur des phénomènes ondulatoires du vent et leur répercussions sur les différents domaines de l’autan.

On peut retenir cependant que le domaine de l’autan se calque sur l’ensemble du Lauragais. C’est la seule définition de géographie physique du territoire constitué par l’histoire des hommes.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Jean-Paul Vigneau, Le vent d’autan d’Aquitaine orientale, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 43, fasc.3 p.315-342, 1972.

 

René Viala, Vents en Lauragais, Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, p.9 - 13, 1987.

 

Hubert Aupetit, Guide de l’Air pour l’Homme Volant, ed. Rétine, 1990

 

Arnaud Mandement, Contribution à la connaissance du vent d’autan, Centre départemental de la météorologie du Tarn,1993

 

Pierre Pagney, La climatologie, Que sais-je ?, ed. de1995.

 

René Viala, Quelques remarques sur le climat de l’Aude, Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, p.13-21, 2000.




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