Le Monument aux morts de Baziège. Son inauguration


   A la séance du conseil Municipal du 7 Mars 1920 :
Monsieur le président fait connaitre au Conseil que les Personnes dont les noms suivent : Marty Joseph- Pouilhès Joseph - Carausse Clément, Delestaing Joseph Besset Casimir - Mercadal Paul - Justrobe Jean - Agard Jean et Izard Pierre ont accepté de recueillir les offrandes destinées à élever un monument funéraire aux enfants de Baziège morts Pour la France.
Aussitôt un comité est créé et une demande de participation financière est demandé aux propriétaires Baziégeois. Voici le document tiré à plusieurs exemplaires qu'ils ont reçu :
    La pierre humide était utilisée pour reproduire à plusieurs exemplaires un document comme celui-ci. Un original, établi avec une encre grasse sur support gélatineux humide ou une pâte relativement souple. L'encre grasse s'y dépose, donnant une image symétrique de l'original. On obtient un tirage en appliquant sur ce support une feuille de papier sulfurisé et par transparence, on obtient un cliché, conforme à l'original. La préparation et le nettoyage (à l'eau) du support sont assez laborieux, le nombre des tirages lisibles est souvent limité à une petite dizaine.


    Un an plus tard, à la séance du Conseil Municipal du 13 février l921, Monsieur le président soumet au conseil municipal les plans, traité et devis du monument à élever en mémoire des enfants de Baziège morts pour la France. Le conseil approuve à l'unanimité des membres présents, les plans traité et devis ci-dessus et autorise Monsieur le Maire à s'entendre avec Monsieur Lescure, architecte et Monsieur Fourés, sculpteur, Pour l'exécution du projet. Le coût prévu par l'architecte se monte à vingt-cinq mille cinq cents francs (25.500) non compris le transport, la mise en place, l'établissement d'une grille et imprévus. Il vote en cet effet une somme de trente mille francs (30.000 F) Le montant de la dépense sera assuré au moyen :
1) D'une somme de neuf mille francs (9.000 F) inscrite sur le budget supplémentaire de 1920.de 1920.
2) Une somme de cinq mille francs (5.000 F) provenant d'une souscription.
3) Les seize mille francs manquants, seront couverts au moyen d'un emprunt à la Caisse nationale mutualiste des retraités du midi au moyen de onze centimes additionnels à partir du l1er janvier 1922
    L 'emplacement choisi est le petit jardin public à côté des écoles communales, bordant la route nationale, en face le champ de foire.
    Le conseil municipal compte sur la bienveillance de Monsieur le Préfet pour approuver le dit projet et faire attribuer à la Commune la plus forte subvention
    Il a été inauguré le 30 avril 1922.

    J'ai retrouvé dans les archives de la Dépêche du Midi le compte rendu de cette journée :
La coquette citée de Baziège inaugurait hier le Monument dédié à la mémoire de ses enfants tombés à l'ennemi. La ville avait à cette occasion revêtu sa parure des grands jours : partout des mâts, des oriflammes, des guirlandes de fleurs et de la verdure ; à toutes les fenêtres, des drapeaux claquent au vent du Lauragais. On sent planer partout un souffle inaccoutumé et les nombreux visiteurs que ne cessent de déverser les divers trains de la matinée annoncent une manifestation grandiose.
Il est dix heures. Parents et amis des familles en deuil se dirigent vers l'église paroissiale où un service solennel de Requiem doit être célébré.
Comme les deux grands portails, la nef est toute tendue de tentures noires à franges d'argent : au-dessus du maître autel une grande croix blanche se détache sur un fond noir, et plus haut encore, comme dans une apothéose, une immense croix de guerre resplendit de tout l'éclat de sa dorure : sur les côtés, se détachant en lettres d'or sur un fond tricolore, cette devise : Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie,
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
Cette magnifique décoration est toute à l'éloge des Pompes Funèbres Générales qui en ont assumé l'exécution.
Mais les cérémonies officielles étaient réservées pour l'après-midi et à deux heures la foule se rend à la gare pour la réception des autorités.
Dès l'arrivée du train, la musique militaire du 17° corps d'armée et " La Clémence Isaure " de Toulouse sortent sur le quai et se placent en tête du cortège qui se forme aussitôt.
Nous notons alors au hasard : MM. le chanoine Lassalle, chevalier de la légion d'honneur et ancien aumônier militaire ; M. Paul Marty, maire de Baziège ; J. Marty conseiller général ; Paul Feuga maire de Toulouse et conseiller général ; Lamothe maire de Belberaud ; d'Aldéguier maire de Montesquieu ; de Lagarrigue maire d'Escalquens ; Serville maire de Montlaur ; César Bru conseiller général de Lanta ; Duchein et Blalgnan, sénateurs ; H. Auriol, Ducos, Bellet et Gheusi, députés ; Carrère, consul de Romanie ; ; le chef de bataillon Saltes du 83° régiment d'infanterie représentant M. le général Pont, commandant du 17° corps d'armée ; P. Barthère, sous-préfet de Villefranche représentant M. le Préfet de la Haute Garonne ; une délégation des l'Association des anciens combattants ; les anciens combattants de Baziège, la fanfare les " enfants de Baziège ", les envoyés spéciaux de la presse toulousaine, etc
. Et au son d'une marche exécutée par la musique militaire, sous la direction de M. P. Loué, l'on se rend à nouveau vers l'église, où M. le chanoine Lassalle, assisté de M. le chanoine Marceillac, curé de Baziège, et de' M. L'abbé Dauriac, curé-doyen de Montgiscard, donne la bénédiction du Saint Sacrement suivie de l'exécution par la " Clémence Isaure " dirigée par M. Cuq de la Prière du chanoine Nouguès directeur de la Musique Sacrée.
M. le chanoine Lassalle prend ensuite la parole
Ses premiers mots seront pour excuser Mgr Raynaud qui devait présider des manifestations et qui a été à son grand regret retenu par un service imprévu.
Il va donner ensuite sur la commémoration deux mots d'explication.
Tout d'abord il félicitera les organisateurs d'avoir donné à l'inauguration un caractère religieux. L'église, en effet, ne veut pas, ne peut pas rester étrangère à la glorification des héros " car ce sont des martyrs de la civilisation chrétienne ".
" Si tous n'étaient pas enfants de l'église, il ne craindra pas la critique en disant qu'ils avaient tous l'esprit chrétien qui est fait de bonté, de justice et de sacrifice. "
Les citations d'ailleurs rappelle-t-il employaient constamment les mots d'abnégation, de courage, de devoir, qui sont de propres vertus évangéliques.
Voilà pourquoi l'église devait être présente.
Mais ce n'est pas tout de glorifier les morts dit en terminant l'ancien aumônier militaire. Il faut que leur sacrifice soit pour les survivants un enseignement.
Il faut qu'il nous rappelle qu'au-dessus de la vie matérielle il y a un idéal qu'il faut suivre afin que Dieu nous fasse digne d'eux.
Et après l'absoute donnée devant un drap funèbre tenu par des enfants de chœur, l'assistance se dirige vers la place où le monument a été élevé.
Dès notre arrivée le voile tombe et laisse apercevoir le magnifique hommage de la population à ses chers disparus.
Ce monument conçu par M. Lescure, aujourd'hui décédé et exécuté par M. Fourest sculpteur représente la France cuirassée levant la palme de la victoire. Au-dessous une inscription : " Baziège à ses morts glorieux " ; sur le chapiteau, des noms de bataille évoquent le souvenir de la glorieuse épopée : Marne, Yser, Verdun, Champagne, Aisne. Enfin dans des panneaux qu'encadrent des faisceaux de licteurs surmontés du casque français sont inscrits les cinquante quatre noms des enfants de Baziège tombés au champ d'honneur. Des obusiers de tranchée serviront de bornes autour de la sculpture.
M. le chanoine Lassalle procède selon le rite à la bénédiction du monument.
Un long silence que vient rompre la Marseillaise suit cette bénédiction.
M. Carrosse adjoint au maire de Baziège procède ensuite à l'appel des morts.
Et après que la musique militaire et " la Clémence Isaure " eurent exécuté l'Hymne aux morts pour la patrie, M. Marty conseiller général prend la parole.
Il remercie tous ceux qui ont facilité la tâche de la commission et tous ceux qui sont venus sceller par leur présence l'union sacrée idéal de ceux qui combattirent ; il rappelle que les morts ont gagné la guerre et qu'il nous appartient de gagner la paix en nous faisant traiter en vainqueurs.
M. Henri Auriol qui lui succède parla au nom de tous les parlementaires du département.
" Il faut dit-il en substance qu'une leçon se dégage de ce mouvement car les larmes sont stériles quand elles ne sont pas génératrices de pensées et l'idée qui doit germer aujourd'hui est celle de la Patrie.
C'est pour elle que nos morts ont supporté tous les sacrifices ; ils l'ont aimée et nous ont indiqués la marche à suivre
Aimons donc notre patrie de toutes nos forces et de tout notre cœur.
Evitons la guerre par la force, la fermeté et l'union. "
Après lui, M. Barthère, sous-préfet de Villefranche excuse M. le Préfet de la Haute Garonne retenu par des engagements antérieurs et dans une brève mais prenante allocution glorifie le souvenir de ceux qui n'ont pas goûté le fruit de la victoire. "
Il remplit donc une mission sacrée en supportant l'hommage du gouvernement à ceux qui groupés autour du même drapeau ont fait abstraction de tout ce qui n'était pas la consigne sacrée. " M. le chef de bataillon Saltes termine la série des discours en apportant l'hommage du général commandant le 17° corps d'armée.
L'inauguration officielle est terminée.
Les personnalités sont alors reçues à la mairie, où un champagne d'honneur est offert ; M. Cruppi sénateur, retenu à Cadours, arrive à point pour assister à cette réception. Il n'ajoutera aucun mot aux paroles qui ont été prononcées.
Un concert vocal et instrumental, une magnifique retraite aux flambeaux, une fête de nuit ont terminé cette journée bien remplie.

E.C.


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