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AGRICULTURE ET BLE A TRAVERS LES AGES
L. ARIES


    Contrairement au maïs nouvellement venu en Europe après la découverte des Amériques par Christophe Colomb il y a 500 ans, la culture du blé avec celle la vigne remonte au tout début de l’agriculture. Il s’agit d’ailleurs de deux cultures emblématiques, leur importance dans la vie de l’homme a été tellement considérable qu’elles sont citées dans les textes les plus anciens et notamment dans les textes bibliques..

    D’ailleurs, c’est depuis la nuit des temps que l’homme consomme du pain. On a retrouvé un pain vieux de 6000, il est exposé dans une vitrine du Swiss Landemensuem de Zurich, il aurait donc était cuit par un boulanger de l’âge de la Pierre. Il serait tombé dans un lac accidentellement où il se serait enlisé dans la boue qui l’aurait ...conservé.
    Une belle miche de pain déposée, il y a 3400 ans, dans la tombe de la princesse Meryet-Amon est exposée au Metropolitain Museum of Art de New York.Ce sont les égyptiens qui auraient découvert la levure et qui ont fait de la panification une industrie prospère. Les Grecs ensuite ouvrirent même des écoles de boulangers dans deux îles de la mer Egée. Au cours du Moyen Age, la boulangerie se sépara de la meunerie. Les boulangers demeurèrent à l’intérieur des murs de la ville médiévale surpeuplée, près de leurs clients, tandis que les meuniers s’éloignèrent de la ville à la recherche des courants qui pouvaient mouvoir leurs meules.Les boulangers étaient toujours considérés avec grand respect tellement que dans une ancienne loi germanique, l’amende pour le meurtre d’un boulanger était trois plus élevée que pour celle d’un autre citoyen.

    Comment l’homme est-il devenu cultivateur et comment a t-il été amené à cultiver le blé?
    C’est son esprit créatif et inventif qui l’a fait passer petit à petit du stade de prédateur de son environnement en pratiquant la chasse et la cueillette, au stade d’éleveur puis de cultivateur bien modeste dans les premiers temps, puis à très grande échelle avec l’arrivée de l’outillage de plus en plus perfectionné.En fait ce sont les matériaux utilisés puis fabriqués par l’homme qui ont rythmé l’évolution de l’humanité, si bien que pour désigner dans l’échelle du temps cette évolution les historiens ont utilisé les matériaux : après l’âge de la pierre taillée et celui de la pierre polie vint l’âge des métaux, avec le cuivre, le bronze et récemment le fer que certains qualifient d’âge guerrier tellement que le fer et l’acier évoquent le bruit des armes des combats et des guerres.

    Dans le Midi de la France, le fer arrivera avec la colonisation grecque et phénicienne, 5 ou 6 siècles avant notre ère. Avec le fer, des régions pauvres en métallurgie du bronze, avec leur économie pastorale vont connaître en un réel épanouissement. On fabrique des épées courtes et surtout des fers de lance, arme traditionnelle des cavaliers de montagne, gardiens de troupeaux et chasseurs.
    La sidérurgie s’implante dans le sud du Massif Central et notamment dans la Montagne Noire, où une vingtaine de sites métallurgiques de l’époque gallo-romaine ont été recensés. Ces sites ne se sont pas maintenus au delà du 3 ème ou 4 ème siècle de notre ère. Il y a une dizaine d’années (entre 1989 et 1991) au domaine des Forges. Aux Martys, dans l’Aude, des fouilles archéologiques ont mis à jours les restes de bas-fourneaux du 1 er siècle avant notre ère (2000 ans); leur hauteur était de 2,20 mètres et la cuve rectangulaire aux bords arrondis mesurait 0,9 m sur 0,6 m; soit un volume de cuve de 900 litres.
    Le site des Martys est exceptionnel par la dimensions de ses ferriers, c’est à dire des résidus de fabrication du fer, preuve de l’importance des installations.

    La sidérurgie s’implante au Canigou, dans les Corbières, sur les rives de l’Arize, du Vicdessos....La technique de la “forge à la catalane” se développe dans les Pyrénées orientales et ariégeoises grâce à la présence d’un minerai de qualité et abondant. Il s’agissait de forges volantes qui permettaient d’exploiter sur place un filon de minerai en utilisant le bois de la forêt la plus proche. Quand l’extraction devenait trop difficile ou qu’il fallait chercher le bois trop loin, on abandonnait le site en emportant soufflets et marteaux pour s’installer sur un autre site. A l’origine c’est la force physique de l’homme qui était seule utilisée pour manœuvrer les marteaux et les soufflets. Cette technique est restée inchangée pendant plus d’un millénaire. Ce n’est qu’au 12 ème siècle que l’énergie hydraulique sera utilisée pour actionner les martinets et les forges catalanes devinrent fixes.
    L’importance de ces forges était si considérable que pour organiser la transformation du minerai en métal, le comte de Foix, Robert Bernard III, accorde une charte à la vallée du Vicdessos en 1293, en raison des services inestimables qu’elle lui aurait rendus. Le texte précise que cette charte ne fait que renforcer celle accordée par le comte Roger Bernard, laquelle ne faisait que renforcer des droits oraux, bien antérieurs. Ces forges furent exploitées jusqu’au début de ce siècle, il y avait encore une cinquantaine de forgerons au 19 ème siècle. Elles laissèrent la place à Pamiers à une importante usine métallurgique moderne avec ses premiers Hauts Fourneaux, ses laminoirs et ses marteaux pilons perpétuant ainsi la tradition sidérurgique antique du lieu (société FORTECH).
Contrairement aux forges catalanes, il s’agissait de forges permanentes vers lesquelles étaient acheminées le minerai provenant probablement de très loin puisqu’il n’existe aucun gisement proche. Le bois devait provenir de la forêt de hêtres toute proche.

    Au dernier siècle avant notre ère apparaît la faux, manipulée à deux mains; avec sa grande lame son rendement est bien plus élevé que celui de la faucille. Mais sa fabrication exigeant une bonne maîtrise du travail du fer, la faux restera chère et peu répandue jusque vers l’an mil.
L’araire sera perfectionnée et comprendra plusieurs pièces; ainsi l’araire manche-sep comprend 2 pièces, la perche d’attelage étant séparée du reste de l’outil. L’araire chambige comprend 3 pièces et l’araire “dentale” en possède 4 ou5. A l’époque romaine, les trois tyles étaient déjà connus. Ils se sont maintenus en l’état jusqu’au 19 ème. Ce n’est qu’au début de notre ère que le timon de l’araire a pris appui sur un avant train. L’araire Manche-sep a été introduit en Amérique du sud par les conquérants; elle est encore utilisée dans certains pays pour certains travaux spécialisés comme le buttage des pommes de terre, elle serait encore utilisée au sud de la Loire.
    Les agriculteurs fabriquaient souvent eux mêmes leurs araires, les trouvant ainsi beaucoup plus à leur main, ce qui leur prenait tout au plus 4 à 5 heures de travail... Le forgeron du village confectionnait les lames de fer à la demande.

    L’épanouissement de l’industrie du fer permit aussi la fabrication de charrues.C’est vrai que l’araire, utilisée depuis l’antiquité pour ameublir le sol et recouvrir les semences effectue un travail peu profond et rejette sur les deux côtés de la raie le terre déplacée et émiettée par le soc. Avec l’araire, on obtient un labour à plat.
    La charrue apparaît au début de notre ère. Contrairement à l’antique araire, elle permet d’effectuer un véritable labour beaucoup plus rapidement qu’avec les bras à la bêche et la houe. La charrue, plus puissante avec son avant-train à une ou deux roues et ses deux mancherons, permet un labour plus en profondeur, mais exige aussi des animaux plus vigoureux pour la tracter. Le modèle le plus répandu et le plus apprécié était la charrue Brabant, stable robuste facile à diriger et procurant un travail régulier. Des Brabants de tous les modéles ont été employés dans toute la France, depuis les plus légers à un cheval, deux vaches ou deux bœufs, jusqu’au plus puissants à quatre ou cinq chevaux ou six à huit bœufs.
    Si les chevaux, ânes et mulets sont attelés au moyen classique du collier qui permet à l’animal de tirer avec les épaules, les bœufs sont attelés par paire au moyen du joug , qui réuni les animaux pour unir leurs efforts; les jougs à un seul bovin sont rares. Le joug est placé sur la nuque de l’animal immédiatement derrière les cornes; il est assujetti par deux courroies qui enserrent les cornes de l’animal.
    Hélas la charrue laisse le sol embarrassé de grosses mottes; au 9 ème siècle grâce au fer qui devient abondant l’homme fabrique des herses dont l’ usage se répand rapidement avec celui de la charrue.
    L’industrie du fer et de l’acier avait alors fourni à l’homme les outils nécessaires: la grande révolution agricole de Moyen Age pouvait commencer.

    Cette révolution s’est traduite par le doublement des rendements céréaliers, les rendements sont passés de 3 à 6 quintaux de céréales à l’hectare (plus de 50 quintaux à l’heure actuelle). Comme 10 quintaux sont nécessaires pour nourrir une famille de 5 personnes, 2 à 3 hectares sont suffisants, la famille pouvant travailler 6 hectares, des surplus et des bénéfices apparaissent. Ces bénéfices vont conditionner et permettre le développement de l’artisanat, de l’industrie, du commerce mais aussi des activités intellectuelles et artistiques.