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BAZIEGE-BADERA PAGUS GALLO-ROMAIN Lucien ARIES

        Baziège a été le cadre d'une importante Bataille en 1219 qui a vu la victoire des Occitans avec le fils du comte de Toulouse, futur Raymond VII, le comte de Foix Raymond Roger et son fils Roger Bernard sur une troupe de Croisés venus de Carcassonne et commandés par les frères de Berzy : Foucauld de Berzy "le bourreau du Lauragais" homme cruel et habile et son frère Jean .

        Mais l'histoire de Baziège remonte à des temps beaucoup plus reculés comme d'ailleurs la plupart des autres villages du Lauragais. De l'époque antique nous savons peu de choses, mais Baziège conserve plusieurs traces : - son nom qui vient de Badera - un chemin, dit "chemin des Romains" ou "route des Pountils" - une borne milliaire romaine et d'autres traces moins évidentes mais qu'il convient d'évoquer, comme ce porche d'entrée d'église avec ses éléments romans situé dans une des chapelles de l'église actuelle correspondant à l'ancienne entrée de l'église. Ne serait-il pas celui d'une église beaucoup plus ancienne dont on a conservé certains éléments au moment de sa reconstruction aux 14ème et 16ème siècles?

        Baziège est d'ailleurs l'un des villages les plus anciens du Lauragais; il apparaît en effet sur la Table de Peutinger qui est une carte itinéraire de l'empire romain qui date du 4 ème siècle. Il s'agit d'un rouleau de parchemin qui mesurait 6,75m de long sur 34 cm de large, aujourd'hui hélas brisé en 11 pages. Baziège y figure au même titre que Bram (Eburomagus) et Toulouse (Tolosa). En fait, sur l'unique manuscrit de cette époque il ne reste que les 3 premières lettres Bad..., Badera apparaît sur des copies plus récentes, pour donner par la suite au 9 ème siècle Vadegia puis Vassiega au moment de la Croisade.

        Le Lauragais avec le col de Naurouze étant le passage forcé pour aller de la Mer Méditerranée à l'Océan Atlantique, Badera devait exister déjà bien avant l'arrivée des romains. La racine Bade très ancienne est d'origine celte, elle désigne des eaux peu profondes et a donné plus tard le mot latin "vadum" qui signifie gué: Badera pourrait donc être d'origine gauloise et tirerait son nom de l'importante plaine marécageuse que l'Hers avait du mal à drainer à l'époque et de la présence d'un gué.

        Baziège est situé sur une importante voie romaine qui passait probablement, venant de Narbonne, au lieu dit "l'Hôpital, près de l'actuel Montgaillard, puis à Badera qui conserve la borne milliaire portant l'inscription XV milles; là, elle franchissait l'Hers (anciennement Ircius) pour aller vers Deyme dont le nom proviendrait du latin décima et évoquerait la distance X milles. La voie arrivait ensuite à Tolosa par la porte de Narbonne.

        Comme à l'époque actuelle, la voie romaine franchissait la plaine marécageuse de l'Hers sur une voie surélevée de 1 à 2 mètres, grâce à des ponceaux ou pountils en belles briques de terre cuite, comme on en trouve dans de nombreuses constructions romaines de l'époque et notamment à Rome, dans le sous sol de l'amphithéâtre du Colisée par exemple. Certes, ces pountils ont été restaurés par Colbert. Les fondations de l'ancien pont romain, qui permettait de franchir l'Hers, auraient été retrouvées au moment de sa reconstruction en 1881.

        En ce qui concerne la borne milliaire de Baziège, elle porte 3 inscriptions en latin, la plus ancienne que l'on peut traduire "A notre maître Galerius/ Valerius/ Maximianus/ pieux heureux et invincible toujours Auguste 15000 pas" permet de la dater du 3 ème siècle car Galerius est mort en 305. On sait que ces bornes indiquaient les distances à la ville d'appartenance c'est à dire ici Toulouse. Elles marquaient aussi des étapes très importantes. Mais chaque quinze milles (presque 23 km), il y avait aussi des stations "statio", c'est à dire des lieux de repos pour passer la nuit, car une personne pouvait faire cette distance à pied dans la journée. Selon Frère Aldo Benetti spécialiste de la topographie romaine qu'il a beaucoup étudiée en Italie, Badera devait être une de ces statio. L'ospe, c'est à dire le pèlerin, celui qui voyage, trouvait dans l'hostaria toute chose nécessaire pour le voyage. C'est de ce mot hostaria que dérivera plus tard hospice et hôpital. Cette fonction de Badera sur la voie romaine est aussi confirmée par sa présence sur la table de Peutinger, table qui indiquait en particulier les possibilités d'hébergement, si bien qu'elle jouait un rôle comparable à celui des "guides Michelin" d'aujourd'hui. Par ailleurs, cette fonction était aussi justifiée par la présence du gué qui imposait de faire halte avant de franchir la plaine marécageuse. L'existence d'un "hôpital" à Baziège est relatée à diverses époques. Généralement ces hôpitaux qui jalonnent la voie romaine sont les traces des grands pèlerinages du Moyen-Age faits à Saint Jacques de Compostelle. Ils sont distants de 3 à 4 km. On connaît celui de Castanet, de Pompertuzat (l'Espitalet), de Donneville (hôpital Roux-Guy), de Montgiscard et ici à Baziège à la sortie ouest près du cimetière; il s'agit d'un emplacement idéal qui correspond à une partie surélevée du village donc non inondable et qui se trouve au débouché de la route des pountils. Peut-être, est il la survivance de l'hostaria de l'antique statio Badera?

        Baziège devait déjà être au début de notre ère un pagus : c'est à dire un village, un bourg, assez important. Il est vrai que Badera était situé sur une importante route commerciale. Bien avant l'époque romaine, c'était la route de l'étain, indispensable pour la fabrication des alliages de cuivre et notamment du bronze, étain qui arrivait de Cornouaille par mer et Garonne jusqu'à Toulouse, puis porté de relais en relais, à travers la piste lauragaise jusqu'aux peuples de la Méditerranée ou destiné a être allié au cuivre de la Montagne Noire.

        Avec l'époque romaine Badera sera sur la route des vins importés d'Italie. On sait que les romains arrivèrent en Lauragais après la fondation de Narbonne en -119. Pour approvisionner l'armée, les vins furent importés d'Italie et arrivaient à Toulouse par le seuil de Naurouze et Badera bien sûr. La demande de vin dans la région devint vite considérable. Toulouse devint un grand marché des vins d'Italie, mais aussi un grand centre de consommation, car les nombreux marchands italiens et les vétérans des légions romaines venus s'installer à Toulouse ne voulaient renoncer ni à leur boisson habituelle ni aux grands crus d'Italie. Mais les indigènes n'étaient pas en reste..., et la demande fût aussi considérable de la part des gaulois de la région..... les Volques-Tectosages raffolaient de vin.

        Un peu plus tard, dès le début du moyen Age, c'est dans le commerce du sel que Baziège s'illustre. Le sel arrivait des marais salants de Narbonne, transporté à dos d'âne par des marchands Goths. Les seigneurs de Caraman installèrent un important marché au sel à Baziège et c'est à cette époque que remonte le marché de Baziège qui se tient depuis lors le samedi.

        De l'histoire de Baziège au début de la christianisation on ne sait que peu de chose, si ce n'est cette légende de la Sainte Pierre selon laquelle un jeune chrétien y fut lié et persécuté, probablement au moment des grandes persécutions, fin du 3ème ou début de 4ème siècle, époque à laquelle remonte la borne milliaire. Cette légende laisse penser que Baziège a pu jouer un certain rôle au moment de l'évangélisation, probablement en raison de sa situation géographique. Il est vrai que les prédicateurs s'installaient de préférence dans les lieux très fréquentés et populeux comme les lieux de passage et notamment dans les mansio et les statio. Selon Frère Aldo Benetti, à Baziège il devait même y avoir l'une des toutes premières "églises". La présence d'une église à Baziège pourrait remonter au Vème ou VIème siècle. En effet à cette époque avec les invasions barbares, l'archevêque de Toulouse, préoccupé par les communautés chrétiennes qui se trouvent sur son territoire, empêchées de se rendre à la cathédrale, érigea quelques oratoires en églises subsidiaires de la cathédrale. Selon Aldo Benetti, compte tenu de la position géographique particulière de Baziège, après Toulouse la première église-mère (plebs pluripagense) pourrait avoir été à Baziège. A ce jour, Baziège n'a livré aucun vestige matériel de cette première église, seul ce porche d'entrée d'église romane curieusement inséré dans l'église gothique actuelle évoquerait son passé quelque peu lointain.