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Une armée anglaise en Lauragais
Printemps 1814
Jean Odol


     Dans un livre (1) qui est sorti, sur Cintegabelle, au sud d'Auterive, il y a cinq ou six ans, on lit ceci, page 283 :
     "Le 31 mars 1814, devant la population de Cintegabelle surprise et angoissée, défile l'armée anglaise du général Hill : l'infanterie anglaise, habits rouges à épaulettes et shakos coniques; les contingents portugais, uniformes bleus, shakos en pain de sucre avec plumet; les dragons allemands avec vestes à brandebourgs et casques étincelants à plumet rouge."
     Que venaient faire à Cintegabelle, le 31 mars 1814, un général anglais avec des soldats anglais, une armée avec des Espagnols, des Portugais et des cavaliers allemands?
     Je pose un problème et je vais essayer d'y répondre.
     Nous avons à Baziège un cimetière anglais; il en existe un autre à Saint Félix; une bataille entre soldats et cavaliers anglais a eu lieu à Ayguesvives au Champ de la Guerre. Donc il y a des traces de cette occupation anglaise. Les Anglais, les Espagnols, les Portugais venaient d'Espagne et les français faisaient partie de l'armée du général Soult qui s'était repliée à Toulouse après avoir évacué l'Espagne.

La guerre d'Espagne et la mise en place des armées devant Toulouse (1808 - 1814)
Les causes de la guerre d'Espagne 1808.
     Après 1806, l'Europe continentale est presque entièrement dominée par la France de Napoléon; la Prusse et l'Autriche viennent d'être écrasées militairement (Austerlitz, Iéna), la Russie est notre alliée, mais l'Angleterre, dans son île, demeure invaincue; depuis Trafalgar, l'Angleterre ne peut plus être envahie, et devant cette situation, Napoléon décide d'engager une guerre économique connue sous le nom de Blocus continental : toutes les relations économiques entre l'Europe et l'Angleterre sont coupées, tout commerce interdit; la France espère ainsi affamer son adversaire, le ruiner en brisant son ravitaillement en matières premières et alimentaires, en étouffant ses exportations de produits manufacturés (métallurgiques et textiles surtout). Mais l'application du Blocus était difficile car elle supposait le contrôle de la totalité des côtes du continent européen par la France : cela était pratiquement impossible et la contrebande se développe rapidement. Surtout l'application du Blocus entraîne Napoléon dans de nouvelles conquêtes et spécialement dans la péninsule ibérique.
     La guerre d'Espagne 1808 - 1814.
     Soumis depuis plus d'un siècle à l'emprise économique des Anglais, le Portugal refuse d'appliquer le Blocus; une petite armée françaises commandée par Junot traverse le Nord de l'Espagne, s'empare de Lisbonne et contraint la famille royale portugaise à fuir au Brésil (novembre 1807).
     Mais Napoléon à d'autres visées sur l'Espagne : placer son frère Joseph sur le vieux trône de Charles Quint et de Philippe II, en faire un roi d'Espagne. Sous prétexte d'envoyer des renforts à Junot, des troupes françaises s'installent en Vieille-Castille, occupent Burgos et Madrid; les souverains espagnols sont retenus prisonniers en France après l'entrevue de Bayonne et Joseph est proclamé roi d'Espagne; à la suite de ces événements, les Espagnols se soulèvent (2 et 3 mai 1808) et la terrible guerre d'Espagne commence.
     Pour la première fois, Napoléon doit faire face à une guerre d'un type nouveau : la lutte armée classique est dirigée par l'armée régulière espagnole sous l'impulsion d'une junte réfugiée à Cadix, mais les paysans prennent une part très active aux combats : encadrés par un clergé catholique très influent, ils mènent contre les troupes françaises une guerre de partisans, avec son cortège habituel d'atrocités. L'armée française connaît de sérieux échecs malgré l'envoi de 200 000 hommes et l'intervention personnelle de l'Empereur (1808-1809); les troupes françaises s'épuisent et disparaissent dans des combats obscurs et multiples, dans des embuscades, au cours du siège de Saragosse.
     Les Anglais trouvent là un champ de bataille inespéré et débarquent une armée au Portugal sous le commandement de Wellington, le "duc de fer"; ce général initie ses troupes à des méthodes nouvelles de combat (utilisation du terrain, recherche de la précision dans le tir des fusils) et transforme ses troupes - "l'écume de la terre" - en une armée solide et redoutable. En Europe centrale, les vaincus se relèvent, la campagne de Russie de 1812 marque le début de l'effondrement de l'Empire.
     En Espagne, au cours des années 1810 - 1813, les Français sont dans l'obligation d'évacuer progressivement le pays en direction du Nord; la défaite de Vitoria (1813) accélère le mouvement et le maréchal Soult, avec les débris de la principale armée, se retire par le pays basque et Bayonne ; vers l'est le maréchal Suchet évacue la Catalogne, Barcelone, traverse Perpignan et se fixe à Narbonne (printemps 1814). La France est envahie par une armée de coalisés sous la direction de Wellington.

L'invasion du Sud-Ouest par les Anglo-Espagnols.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir Le Duc de Wellington

     Poursuivi par Wellington, Soult manoeuvre habilement et réussit toujours à échapper à des forces ennemies cependant très supérieures; après la bataille d'Orthez, Soult pouvait faire retraite soit en direction de Bordeaux, soit de Toulouse ; mais le repli à travers les Landes marécageuses apparaissait trop difficile, il préfère se retirer lentement en direction de Toulouse et poursuivre l'objectif qu'il n'avait jamais perdu de vue depuis son passage des Pyrénées, à savoir la jonction de ses forces avec celles de Suchet immobilisées dans la région de Narbonne. Sous des pluies violentes qui ne cesseront pratiquement pas durant tout le mois de mars 1814 (cet élément climatique est de première importance par les conséquences qu'il engendrera relativement à la viabilité sur les chemins de la région de Toulouse), Soult réussit à gagner Tarbes (19 mars), puis la route de Toulouse par St Gaudens et Muret (plus longue mais mieux entretenue et peu accidentée); les Anglais essaient de déborder l'aile droite française en utilisant la voie plus courte de Trie sur Baïse, Boulogne sur Gesse, Lombez, Saint-Lys; mais cette route devient très difficile avec les pluies et la boue et les Anglais retardés sont incapables de couper la retraite de Soult qui, le 24 mars, s'installe à Toulouse; 48 heures après les troupes de Wellington apparaissent devant le faubourg St Cyprien.
(1) Cintegabelle, châtellenie royale en pays toulousain. Roger ARMENGAUD et Roger YCART.Retour


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