La bataille de Toulouse du 10 avril et l'occupation de l'Est du Toulousain par les Anglais.

La bataille de Toulouse
       Dans la nuit du 4 au 5 avril, un pont de bateaux est jeté par les Anglais sur la Garonne à hauteur de Merville, à la Capelette; le 5 avril, le général Beresford est déjà sur la rive droite; malgré une rupture momentanée du pont due à une crue de la Garonne, mais aussi aux Toulousains qui en amont avaient lâché dans le cours du fleuve des radeaux lestés de pierres, le 8 avril, le gros de l'armée anglaise est en mesure d'attaquer Toulouse par le Nord. La bataille principale se déroule le 10 avril, date à laquelle de très violents combats ont pour théâtre les Ponts-Jumeaux et la butte de la Pujade, mais, là, les attaques anglaises et espagnoles échouent sur les positions françaises fortifiées. Les Anglais organisent alors une puissante colonne commandée par Beresford, qui partant de Croix-Daurade remonte la vallée de l'Hers et cherche à tourner les retranchements par l'Est (par Montaudran); l'habile manoeuvre réussit, la redoute de la Sipière est occupée et le soir du 10 avril, les troupes françaises évacuent toutes les collines du Nord-Est et se replient derrière le Canal du Midi; les pertes durant cette journée furent importantes : du côté français 3 200 hommes hors de combat, du côté coalisé 4 650 environ.

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Wellington, accueilli, en libérateur, par les toulousains qui sont surtout soulagés d'avoir évité aux exactions et aux pillages consécutifs à une occupation. (gravure anglaise)


       Soult a dû reculer, mais son armée n'est pas détruite; il connaît très mal les événements qui se déroulent à Paris (occupation de la capitale par les Prussiens, les Autrichiens et les Russes) et le maréchal a le désir de conserver une armée à sa disposition qui lui permettrait de jouer un rôle politique ( ? ) sous le successeur de Napoléon; aussi décide-t-il d'évacuer Toulouse durant la journée du 11 et la nuit du 11 au 12 avril 1814.

La retraite de Soult
       Les blessés sont transportés par des bateaux utilisant le Canal du Midi en direction de Castelnaudary; l'armée française quitte Toulouse par la route du Lauragais, par Castanet, Ticaille, Baziège. Les Anglais ne gêneront en rien ce mouvement et demeurent dans l'expectative en attendant les nouvelles de Paris qui semblent annoncer la fin de l'Empire napoléonien. Soult se retire en bon ordre en faisant sauter tous les ponts sur le canal, ceux de Castanet, Pomportuzat, Donneville, Montgiscard ; le pont en briques de l'écluse de Ticaille a dû également disparaître car pendant toute la première moitié du 19 ème siècle, l'écluse était enjambée par un pont en bois. (1)

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La plaine de Ste Colombe, au nord-est de Baziège fut
le théâtre d'un accrochage de cavalerie.


       La cavalerie anglaise le suivait par la route de Labège pour essayer de lui couper la route. C'est à ce moment-là qu'à Baziège, probablement du côté du chemin de Maurémont, les français ont essayé de couper la route de Hill. Les morts anglais ont été inhumés dans un champ à la ferme de Lamothe.
       Les Anglais se replient, mais le gros de l'armée anglaise arrive et occupe Baziège, Ayguesvives, entre autre.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir    Le cimetière anglais de Baziège, au lieu dit de Lamothe. Sur plus d'un hectare, des soldats anglais furent inhumés dans ce champ, qui n'est plus cultivé depuis cette époque. Trois cyprès rescapés d'une allée parfaitement ordonnée veillent sur ces "morts pour rien".

       Le 13 avril au matin, Soult est à Avignonet (à Naurouze) et l'armistice mettant fin aux combats porte la date du 18 avril.

       Le 28 ème régiment (ou une partie) d'infanterie anglaise s'installe à Ayguesvives.
       Le maréchal Wellington établit son quartier général à St Paulet et les combats s'arrêtent.
       Les Anglais ont occupé le Lauragais, les points extrêmes sur lesquels j'ai des documents, c'est Verfeil : un soldat anglais s'est suicidé à Verfeil et j'ai l'acte de décès qui est à la mairie. C'était un sergent d'origine irlandaise, dragon au 5ème régiment des gardes anglaises qui avaient garnison à Verfeil. C'est intéressant puisque cela montre que l'armée anglaise était peuplée essentiellement de soldats irlandais.
       Ils étaient aussi à Saint Félix où on a la trace d'un petit cimetière.
       Les Anglais ont occupé Nailloux où les foires, selon une délibération du Conseil Municipal, étaient gênées par la présence de l'armée anglaise.

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Acte de décès du soldat Neal Mac Caully retrouvé
dans un registre d'Etat civil de la Commune d'Ayguesvives.


       Un soldat anglais a été assassiné à Ayguesvives. On a la trace de l'acte de décès et le procès verbal d'enquête du maire de l'époque de Campferran.
       Ce soldat anglais a été victime d'une rixe. Les soldats anglais se baladaient dans les rues d'Ayguesvives et devaient chercher du vin et couraient les filles. Cécile Buc, une jeune fille, poursuivie par deux soldats, se réfugie dans la maison de sa mère et c'est là; au cours d'une rixe que François Berseille, a donné à l'un d'eux un coup de couteau ou de baïonnette. Neal Mac Caully, le soldat irlandais blessé, décède le 11 mai 1814, dans la maison du sieur Rigaud à 9 heures du soir alors que son régiment avait quitté Ayguesvives le 10 mai. Deux soldats anglais étaient restés pour l'assister jusqu'à son dernier soupir et veiller sur lui. Agé de 28 ans, il est dit de lui, sur les registres d'Etat-civil, qu'il est mort "accidentellement"

       Le climat de l'occupation était certainement composé d'une très vive tension entre la population et les occupants. Tout d'abord, avant même leur arrivée, les armées belligérantes étaient précédées d'une très mauvaise réputation de pillards et les habitants avaient caché, en les enterrant, leurs biens les plus précieux; ainsi le maire doit faire une enquête, en juin 1814, sur une affaire de chemises et de robes enfouies en avril et qu'un habitant du village refuse de restituer à son propriétaire.
       La tension est illustrée par le fait que le jour de la bagarre, les deux soldats anglais intéressés se déplaçaient dans le village, mais avec leur fusil et baïonnette au canon; le but de leur pérégrination paraît être la quête de vin qu'ils demandent à Marie Buc, la mère de Cécile, mais leur requête s'accompagne de menaces ... Le désir d'obtenir du vin chez l'habitant était vraisemblablement une de leurs principales occupations, les femmes qui les accompagnaient semblent également priser particulièrement cette boisson et, d'après l'enquête du maire, plusieurs avaient dépassé un taux raisonnable de consommation. Une autre activité des soldats d'occupation était visiblement de s'intéresser de très près aux filles du village et une des causes du drame semble bien être Cécile Buc, poursuivie par les deux soldats et qui se réfugie chez sa mère.

       Les conditions de l'occupation entretiennent des rapports de promiscuité entre les soldats et la population car les Anglais étaient logés chez l'habitant; Marie Buc, dans son témoignage, indique qu'elle héberge dans sa maison deux soldats très corrects contre lesquels elle ne formule aucun grief; par contre, elle avoue qu'elle entretient de très mauvais rapports avec les femmes anglaises et elle reconnaît s'être battue avec plusieurs d'entre elles.

       Quelle signification peut-on attribuer à ce coup de baïonnette?
       Attitude passionnelle d'un paysan prenant la défense d'une femme menacée par des soldats étrangers? Oui certainement, c'est vraisemblablement le mobile principal mais un certain nationalisme n'est pas à exclure totalement, car Marie Buc s'était déjà battue avec des femmes anglaises et la réaction hostile des villageois semble très différente des Toulousains royalistes qui font un triomphe à Wellington et aux Anglais lors de leur entrée dans la ville. Le stationnement pourtant assez bref (un mois) des troupes étrangères dans ces villages a dû réveiller un nationalisme latent chez des habitants cependant lassés d'une guerre qui n'en finissait plus; nous savons que des jeunes gens du canton de Montgiscard étaient réfractaires et n'avaient pas rejoint les armées napoléoniennes; malgré cette attitude de refus, un certain patriotisme plus ou moins conscient a dû se glisser dans le geste meurtrier de François Berseille.
(1) Le pont aurait été reconstruit en 1868. La passerelle actuelle en béton date de 1981, lors de mise de l'écluse au gabarit Freycinet.Retour


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