Paul GUIRAUD inventeur de la grenade sous-marine qui porte son nom.


  " Le mercredi 5 avril 1915, le sous-marin allemand U.B. 26 qui s'approchait du Havre pour attaquer de nombreuses barges mouillées qui attendaient l'heure de monter à Rouen se prit dans une ligne de filets indicateurs. Un torpilleur alerté, la Trombe, arrivait et commençait à grenader l'endroit présumé où se trouvait le sous-marin. Le torpilleur lâcha trois grenades ; quelques minutes plus après, le submersible faisait surface et l'équipage se rendait. Des bâtiments s'approchèrent pour le prendre en remorque mais il devait couler alors qu'on le traînait sur un haut fond voisin. L'U.B. 26, que l'on réussit à renflouer prit le nom de Roland Morillot , mais ce n'est pas à ce seul titre qu'il est célèbre. Il fut la première réelle victime de la grenade " GUIRAUD " qui fut conçue et essayée pour la première fois en mars 1915.

   Il y a vingt-cinq ans, le sous-marin, qui commençait à peine une carrière éblouissante, était considéré comme un engin très dangereux et pour ainsi dire invulnérable quand il naviguait en plongée. Les projectiles des canons classiques ricochaient sur l'eau. On imagina divers systèmes à base d'obus et de mortiers pour les lancer, mais on abandonna vite ce principe-là.

   " Mais pendant ce temps-là, le Lieutenant de Vaisseau GUIRAUD, embarqué sur le cuirassé Vergniaud dans le but de protéger contre les sous-marins ennemis une escadre au mouillage avait imaginé de construire une mine portative de poids maniable, mouillable à la main du pont d'un petit torpilleur ou d'un canot à vapeur. Il adapta à cet objet d'anciennes torpilles de déblaiement. Puis il conçut un nouveau modèle, simple cylindre métallique, contenant une charge de 24 kg de coton-poudre avec une mise à feu à flotteur, relié par un fil à la gâchette de la mise à feu. Le fonctionnement en était simple : on jetait flotteur et grenade à la mer : la grenade coulait, le flotteur surnageait, le fil se déroulait et lorsqu'il était tendu, tirait sur la gâchette. La profondeur de l'explosion était réglée par la longueur du fil. Le système avait évidemment des inconvénients et le principal fut mis en évidence par un accident qui se produisit à bord du torpilleur Le Bouclier : une maladresse avait fait que le flotteur se trouva séparé de la grenade à bord ; le flotteur tomba à l'eau et la grenade explosa sur le bâtiment.

    Mais le lieutenant de Vaisseau GUIRAUD poursuivit ses recherches ; il porta à 40 kg la charge la grenade et y ajouta une mise à feu hydrostatique qui caractérise son invention.
  Grenade sous-marine Guiraud, au musée de l'Armée, dans la salle Sénès. Source : Charles de La Roncière et Georges Clerc-Rampal, Histoire de la Marine française, Larousse, 1934, photo page 370.
   Cette nouvelle mise à feu, composée d'un piston dont une face est soumise à la pression de l'eau et dont la tige percuteur porte un ressort compensateur réglable, répondait à presque toutes les préoccupations du commandement : le fonctionnement en était suffisamment sûr, elle pouvait être facilement et sans danger séparée de la grenade. Les premiers essais de la grenade GUIRAUD, construite en Armée navale remontent à mars 1915 : la mise à feu permettait une explosion à immersion réglable, 15, 25 ou 35 mètres ; son rayon d'action pouvait être d'environ 25 mètres et elle avait le mérite incontestable de ne pas fonctionner hors de l'eau. " Il y eut plusieurs façons de larguer ces grenades sous-marines : plans inclinés, chemin de roulement à l'arrière d'un navire, mortiers… " Les différents grenadeurs se perfectionnèrent tout au long de la dernière guerre ; la tactique du grenadage évolua progressivement ; les résultats furent modestes. Néanmoins, en novembre 1918, 27 sous-marins allemands avaient été victimes des grenades GUIRAUD. "
La chaîne de fabrication des grenades sous-marines Guiraud à l'arsenal de Cherbourg. Source : L'innovatin au service de la victoire, Cols bleus n° 3057 d'avril 2017.

   Même après le décès du Capitaine de Frégate, Paul GUIRAUD, la grenade de son invention fut perfectionnée pour devenir une arme redoutable.
   Les passages entre guillemets sont extraits d'un article paru en 1940, dans le journal hebdomadaire, Le Moniteur de la Flotte : " La grenade, terreur des sous-marins a vingt-cinq ans. "

   Paul GUIRAUD est décédé à Toulon le 1 er mars 1925 à la suite d'une longue typhoïde. Il était officier de la Légion d'honneur, commandant en second du croiseur cuirassé le Jules-Michelet.
    Il a été enterré à Baziège au cimetière de Ste Colombe. Le cercueil contenant le corps est arrivé en gare de Baziège le 5 mai à 9 heures du matin.

  " La levée du corps a été faite par l'abbé MACEILLAC, curé de cette paroisse. Sur le cercueil avaient été placés l'habit aux cinq galons et aux épaulettes d'or et d'argent du regretté défunt, son chapeau, son épée et la croix d'officier de la légion d'honneur.    Puis à travers le calme toujours impressionnant et mélancolique de la campagne lauragaise, le cortège de celui qui avait si longtemps battu la houle maritime s'est dirigé vers le petit cimetière de Ste Colombe où il repose auprès des siens. "     Extrait du discours prononcé lors des obsèques par Henri Auriol, député de la Haute-Garonne et grand ami de la famille GUIRAUD.
   La mairie de Baziège a offert une couronne et son maire, M. Paul MARTY, nouvellement réélu, et conseiller général de la Haute-Garonne assistait aux obsèques "


Témoignage de camarades de Paul Guiraud.

" Nous avons personnellement connu ce camarade technicien éminent, diplômé de l'Ecole supérieure d'Electricité ; nous l'avons vu travailler sur cette petite caisse rectangulaire, de modestes dimensions, qui, au début, chargée de quelques kilos d'explosifs, devait éclater sous l'eau à une immersion déterminée et blesser le sous-marin en plongée ; nous étions loin de nous douter que ce jouet était la première cellule de ce qui devait être la terrible " depth-charge " de l'avenir. Dès l'été 1915, la grenade Giraud, fabriquée par nous avec des moyens de fortune, fut considérée comme une arme efficace. A partir de juin, après le torpillage du croiseur italien Dublin, les arsenaux italiens la fabriquèrent en grande série ; c'est en novembre de cette année que l'U 16 fut coulé par les grenades du torpilleur italien Nembo qu'il venait de torpiller. Particularité surprenante, les Allemands ne connurent l'existence de la grenade qu'en mai 1917, par l'insuccès du grenadage de l'U 49. Dix mois plus tôt, l'U 67 et l'UB 44 et en décembre, l'UC 19 avait été coulés par cette arme, mais aucun survivant n'était revenu pour dire la raison vraie de ce qui avait été leur effroyable destruction. L'effet produit sur les sous-mariniers allemands fut considérable : en immersion, la mer n'était plus pour eux une cuirasse invulnérable. 33 % des U boote coulés pendant cette guerre l'auront été par cet engin. C'est qu'on était loin du joujou de Guiraud ! ". Source : Maurice Guierre, Aux postes de plongée, Gallimard, 1959, 8ème édition, page 173.


Ses états de service
Paul Justin Henri Marie GUIRAUD (1881 - 1925)
". Né le 9 mai 1881 à BAZIEGE (Haute-Garonne) - Décédé le 1er mai 1925 à SAINT MANDRIER (Var)
Entre dans la Marine en 1899
Aspirant le 5 octobre 1902 ; port BREST.
Au 1er janvier 1903, sur l'aviso-transport "DURANCE", division navale du Pacifique (Henri ROZIER, Cdt).
Enseigne de vaisseau le 5 octobre 1904.
Officier breveté Torpilleur.
Au 1er janvier 1911, sur le cuirassé "RÉPUBLIQUE", 1ère Escadre (Pierre DARRIEUS, Cdt).
Lieutenant de vaisseau le 16 octobre 1912.
Chevalier de la Légion d'Honneur
Au 1er janvier 1917, port LORIENT.
Fin décembre 1917, Commandant le contre-torpilleur "PIQUE
Concepteur de grenades sous-marines auxquelles fut attribué son nom.
Citation à l'ordre de l'armée dont il fit l'objet, pour son attitude lors du torpillage du "GARD", de la Compagnie générale transatlantique, survenu le 26 mai 1918.
Journal officiel du 31 août 1918, p. 7.676.
Récompenses pour actes de bravoure attribuées par la Société centrale de sauvetage des naufragés à l'état-major et à l'équipage de la Pique pour le sauvetage du personnel et des passagers du Gard, torpillé le 26 mai 1918.
Société centrale de sauvetage des naufragés - Annales du sauvetage maritime, 1er et 2e trim. 1919 : Bâtonnier Busson-Billaut et commandant de Larosière, " Rapport sur les récompenses attribuées aux sauveteurs de la mer ", p. 38.
" TORPILLAGE DU VAPEUR " GARD " (26 mai 1918).
Médaille d'or du vice-amiral Ernest de Jonquières au lieutenant de vaisseau GUIRAUD.
Le torpillage du Gard a fait peu de victimes grâce au lieutenant de vaisseau GUIRAUD, commandant le torpilleur la Pique, dont les hautes qualités de courage, de sang-froid, de décision et de sens manœuvrier, ont brillé dans la circonstance.
Malgré le danger et les difficultés que présentait l'opération, il n'a pas hésité à accoster le Gard pour sauver les passagers restant à bord, dont une partie, sans cette manœuvre audacieuse, aurait été vraisemblablement noyée, le bâtiment se fermant comme un livre, vingt minutes après l'évacuation de cinquante minutes de durée. "


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